France-Soir allume ses feux de brouillard

France-Soir va disparaitre des kiosques dans les prochains jours. Après un énième plan de licenciement, car depuis les années 70 le quotidien subit une hémorragie continue de ses lecteurs, le titre va toutefois perdurer sur internet. Sur internet uniquement, comme près de 200 quotidiens américains, essentiellement régionaux, qui sont passés au « tout numérique » avant même l’arrivée des tablettes et de ce qui va suivre…

France-Soir du 12 octobre 2011. A la une : faits divers, foot, télé, tiercé...

Qu’est-ce que c’est France-Soir, à propos ? Un journal, oui. Un titre de presse mythique, certes, dont le tirage dépassait allègrement le million d’exemplaires du temps du Général et de la télé noir et blanc. Aujourd’hui, et après un gros effort marketing, un noyau stable de 40.000 personnes achète cette feuille de choux qui donnerait presque des allures d’intellectuel au lecteur du Parisien.

Une fois la version papier supprimée, que restera-t-il ? Pourquoi voudrait-on, jeune ou vieux, se connecter à la toile pour lire « son » France-Soir ? Du reste, vouloir conquérir la Toile avec un nom pareil, c’est pas gagné, sauf à jouer la carte vintage…

Innover, c’est réinventer son métier en permanence, nous enseigne Marc Giget au Cnam. Il précise qu’en dépit des apparences les métiers changent peu, par contre de nouveaux acteurs ne manquent jamais d’arriver, parfois pour détrôner des vieilles gloires que l’on croyait immortelles, à l’instar de ManuFrance, Lip ou Moulinex. Elles ont été supplantées par des machines à innover de référence mondiale que sont les Décathlon, Swatch ou Seb.

Le problème demeure qu’il faut avoir quelque chose dans le ventre pour entamer une stratégie de dématérialisation. On cite souvent IBM qui a renoncé à vendre des machines, mais Les Echos ont fait figure de pionnier en proposant une liseuse à leur propre griffe, dès 2007. Retirer le papier à France-Soir, c’est comme interdire au plombier d’utiliser le plomb. On génère une crise d’identité. Une fois enfilée la combinaison de cyberjournaliste que va-t-il se passer ? Chacun sait bien que le tout digital est une autre planète, déjà largement colonisée et où rodent les redoutables pure-players aux dents acérées. Dès lors, quoi vendre à qui ? On verra bien, doit penser le jeune propriétaire russe, Alexandre Pougatchev dont la priorité est d’arrêter les frais, puisque sa danseuse va perdre 19 millions d’euros cette année (contre 31M€ en 2010).

S’il veut continuer à exploiter le nom France-Soir sur le marché de l’information, en évoluant en même temps que les nouveaux supports, il lui faudra élaborer un nouveau business model et donc se poser ces questions existentielles pour toute entreprise soucieuse de vraie stratégie et non d’agitation commerciale : qu’avons-nous de remarquable ? Quelle exclusivité, originalité, vision, séduction ? Auprès de qui se rendre irrésistible ?

Tout arrêt sur image peut-être mortel. Innover, c’est aussi savoir dépasser sa nostalgie.

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