Pousse-toi de là que j’innove

Pour évoquer l’éclosion du livre numérique, le magazine « Comment ça marche », dans son numéro de mai, nous a sorti une couverture de derrière les fagots. D’abord, un titre catastrophe : « Liseuses électroniques : la mort du livre ? ». Ensuite, une illustration choc : des livres au milieu des flammes, en arrière-plan. On frémit.

Il faut bien attirer le chaland, certes, mais quel est le message à l’attention de ceux qui vont tomber nez à nez sur « Comment ça marche », au milieu du patchwork de revues qui tapisse nos kiosques ? Rien de très subliminal en première intention : ayez peur ! Tout fout le camp, plus rien de sacré, même le livre.

Vous souvenez-vous de la scène de l’incendie de la bibliothèque dans le film « Au nom de la Rose » ? Tous ces manuscrits qui se consument effaçant, peut-être définitivement, la pensée et les connaissances des grands auteurs antiques ? Une véritable scène d’horreur.

Grâce à la numérisation, l’humanité a déjà atteint un point de démocratisation de la culture sidérant. Bientôt, on y travaille déjà, une liseuse électronique, épaisse de quelques millimètres, nous servira d’accès au contenu de n’importe quelle bibliothèque à travers le monde.

Pourquoi avoir peur ? Chez les professionnels du livre, du fabricant de papier au libraire, en passant par le distributeur, des mutations s’annoncent. Comme depuis toujours et comme dans tous les secteurs ! Rien de nouveau.

Lorsque les premiers métiers à tisser sont apparus, les Canuts de Lyon pressentant le chômage les ont brisés à coup de sabots. D’où le verbe : saboter. C’est ce que fait, à sa façon, l’industrie du livre en proposant un téléchargement de fichier quasiment au même prix qu’un livre papier. Tant d’intelligence marketing incite évidemment les lecteurs à régler le problème par eux-mêmes et favorise l’apparition de nouveaux acteurs qui viendront dynamiter le système, comme ce fut le cas dans la musique.

Les professionnels du livre vont payer un rude tribut au progrès, certainement, mais notre époque si novatrice ne va épargner personne, du haut au bas de l’échelle sociale. Après tout, il n’y a pas de raison que les caissières soit les seules à trinquer avec l’apparition des caisses automatiques ou bientôt des puces Rfid sur les produits.

Par exemple, on avance à grand pas vers la chirurgie non intrusive et, d’ici 2014, une nouvelle thérapie va permettre à 30.000 cardiaques par an en France d’éviter une opération à coeur ouvert. On sait désormais régénérer naturellement les tissus abimés du muscle cardiaque en leur implantant un greffon, via un simple cathéter placé dans une artère. Et ce greffon provient de cellules souches de sang du malade lui-même ! Cette « auto-greffe cellulaire » va reléguer les nombreux spécialistes de l’ouverture du thorax. Tant mieux pour les patients, mais on court immanquablement à la crise d’identité pour de nombreux chirurgiens. Un chirurgien sans scalpel, c’est comme un plombier à qui, il y a quelques années, on a interdit le plomb…

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