Le théâtre est encore une idée neuve, à la télévision
Presse est unanime, ce fut un four. La promesse était pourtant belle d’un dimanche soir dédié au théâtre, le 28 avril dernier, en deux temps : d’abord le « Palmarès du théâtre », la cérémonie de remise des prix proprement dite, suivie de la « Troupe d’un soir », constituée de comédiens réputés en charge d’interpréter un florilège de scènes de notre répertoire. Le Journal de 20h de France2 venant s’intercaler entre les deux émissions.
La critique fut sévère, mais juste : laborieux, interminable, sans rythme, décor digne de l’ORTF… J’ai même lu : « rendez-nous nos Molières ». Pitié, non, pas les Molières !
Pourtant, nous avons vécu une cérémonie de remise de prix simplement supportable. En cela, c’est une nouveauté, une révolution même ! Terminée la pâle imitation de la cérémonie des Césars. Nous avons été gratifiés une vision courte et légère de ce genre de manifestation, expédiée en 50 minutes ! Et c’est bien suffisant lorsqu’on est derrière son écran ! Pour tenir le timing, la soirée s’est affranchie de l’interminable litanie des nominés et n’a réservé qu’une minute de remerciements à chaque gagnant, le rappelant à l’ordre par un coup de gong. Une soirée efficace certes, mais néanmoins chaleureuse, sincère et pleine d’intelligence dans le propos. On aurait dit une remise de prix au sein d’un cours d’art dramatique, pour ceux qui ont connu.
Pour autant, cet esprit de famille fut poussé bien trop loin. Pour le téléspectateur lambda qui ne passe pas toutes ses soirées au théâtre, pour le non-professionnel disons, cette cérémonie n’avait que peu d’écho. Afin d’impliquer le public, est-ce trop demander aux organisateurs d’aller au-delà de l’annonce du titre d’un spectacle ? Ne pourrait-on incarner ce palmarès par un pitch de la situation ou quelques images d’une représentation ? Il y a si peu de théâtre à la télévision qu’il est blâmable de gâcher une telle occasion de créer du désir.
Au sujet de la « Troupe d’un soir », en seconde partie, les organisateurs ont enfilé les scènes sans fil conducteur. Pourquoi celle-ci plutôt qu’une autre ? La sélection est aussi discutable tant notre répertoire est vaste. Ce n’était pas une émission à faire naitre des vocations d’apprenti comédien ou d’aspirant auteur. Loin de là. Aucune magie. A tout prendre, et en bonne logique, chacun aurait préféré un extrait des pièces ayant décroché un prix quelconque (une « Servante ») lors du Palmarès ! Une lecture tout au moins !
Si ce n’est pas possible, je suggère pour les prochaines éditions de trouver un thème. Cette année, par exemple, en pleine affaire Cahuzac, les organisateurs auraient inspirés de traiter « la corruption des élites ». Imaginez maintenant Ruy Blas… L’air altier et noble que lui confèrent sa cape et son épée. Il s’avance vers les conseillers du roi attablés et leur lance son célèbre : « Bon appétit, messieurs ! »
Ô ministres intègres !
Conseillers vertueux ! Voilà votre façon
De servir, serviteurs qui pillez la maison !
Donc vous n’avez pas honte et vous choisissez l’heure,
L’heure sombre où l’Espagne agonisante pleure !
Donc vous n’avez ici pas d’autres intérêts
Que remplir votre poche et vous enfuir après !
Soyez flétris, devant votre pays qui tombe,
Fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe !
Photo Flickr de Kiyoshi.be